Université de Montréal
Richard Dumont, ancien Directeur général, Direction générale, and Diane Sauvé, Directrice, Direction du soutien à la réussite, à la recherche et à l’enseignement
novembre 2018
Note : Cette entrevue a été réalisée alors que l’Université de Montréal était en train de planifier une politique dans son établissement. Certaines questions ont donc été omises car elles n’étaient pas pertinentes.
Veuillez SVP décrire votre établissement [par ex. moyen ou grand, nombre d’étudiants, programmes importants]
L’Université de Montréal est le premier pôle d’enseignement au Québec: elle compte plus de 45 000 étudiants, près de 67 000 si on inclut ceux de ses écoles affiliées HEC Montréal et Polytechnique Montréal. Le quart de ses étudiants sont aux cycles supérieurs. Toutes les disciplines sont couvertes par les programmes d’études de l’Université de Montréal. Ses domaines d’excellence sont nombreux et en font partie la médecine et le droit. Depuis quelques années, l’Université de Montréal joue un rôle de premier plan dans le développement du pôle montréalais en intelligence artificielle.
Quelles valeurs ou caractéristiques institutionnelles déterminantes avez-vous dû prendre en compte avant de lancer une discussion en libre accès sur votre campus?
Depuis sa fondation en 1878, l’Université de Montréal comme d’autres universités de recherche s’est bâtie sur un ensemble de valeurs qui continuent d’être actualisées à la lumière des enjeux du 21e siècle:
- Autonomie universitaire
- Avancées de la connaissance
- Excellence
- Transmission du savoir
- Ouverture, respect, diversité
- Intérêt public
Le libre accès correspond parfaitement aux visées institutionnelles. De fait, l’UdeM croit que « les avancées de la connaissance, au sein comme au carrefour des disciplines constituées, sont porteuses de progrès sociaux et garantes d’une société démocratique, au service des citoyens ». Elle croit aussi que « le partage et la transmission du savoir sont essentiels à une plus juste compréhension du monde dans lequel nous vivons ». Enfin, en tant qu’« établissement public d’enseignement et de recherche, l’UdeM croit au pouvoir des actions menées au service du bien commun et considère l’amélioration générale de la société comme la finalité première de l’enseignement et de la recherche ».
En toile de fond du dossier du libre accès à l’UdeM, mentionnons aussi les éléments de contexte suivants:
- L’UdeM avait déjà des champions du libre accès en son sein, par exemple Jean-Claude Guédon, professeur en littérature comparée, qui a fondé en 1991 une des premières revues savantes électroniques en libre accès au monde (Surfaces) et qui est de plusieurs initiatives depuis pour favoriser le libre accès.
- L’Université de Montréal a depuis quelques années une Chaire de recherche du Canada sur les transformations de la communication savante, dirigée par Vincent Larivière, professeur à l’École de bibliothéconomie et des sciences de l’information, qui se penche notamment sur les enjeux d’accessibilité de la documentation.
- La Fédération des associations étudiantes de l’UdeM (FAECUM) avait déjà développé une position sur le sujet du libre accès au moment du début des travaux.
- La plateforme de diffusion de revues savantes Érudit, née à l’UdeM en 1998, a dès ses débuts favorisé le plus possible le libre accès.
- L’UdeM a été parmi les premières universités au Canada à lancer un dépôt institutionnel (2005) et à introduire le dépôt électronique et la diffusion en libre accès de ses thèses et mémoires (2009).
Comment cela a-t-il influencé votre approche?
Compte tenu de la taille de l’établissement, des expertises existantes en son sein, de la culture organisationnelle de l’université, il nous apparaissait essentiel aux bibliothèques qu’une discussion concernant le développement d’une politique de libre accès soit portée par les chercheurs et non par les bibliothèques ou par la direction universitaire. Malgré les mérites de l’approche de l’Université de Liège souvent citée en la matière, cette introduction top-down d’une obligation n’aurait pu être transposée facilement en contexte UdeM selon nous. Il fallait, pour ces travaux de préparation d’une politique, s’appuyer sur des acteurs reflétant la diversité de l’université (champs disciplinaires par exemple) et des points de vue qu’on y trouve.
Quelle a été l’impulsion pour initier une politique? Quelles mesures ont été prises pour initier une politique d’accès ouvert sur votre campus? Quelle était la première chose à faire?
S’il n’y a pas encore en 2018 de politique de libre accès à l’Université de Montréal, des travaux ont démarré à ce sujet en 2015 et sont toujours en cours. C’est en effet en 2015 qu’à la recommandation du Comité consultatif des bibliothèques, un groupe de travail mixte relevant à la fois du Comité de la recherche de l’UdeM et du Comité consultatif des bibliothèques a été mis sur pied avec à sa présidence deux chercheurs. Ce groupe s’est vu confier le mandat de développer un plan d’action institutionnel en vue de favoriser l’émergence du libre accès, mandat qui a rapidement été orienté vers une ébauche de politique institutionnelle.
Les membres de ce groupe de travail mixte couvrent des expertises et des perspectives variées tout en reflétant la diversité des clientèles et des disciplines de l’Université de Montréal :
- deux membres du Comité de la recherche;
- deux membres du Comité consultatif sur les bibliothèques;
- deux personnes provenant du vice-rectorat à la recherche, à la création
et à l’innovation; - trois personnes provenant de la Direction des bibliothèques (le directeur général, la directrice du soutien à la réussite, à l’apprentissage et à la recherche et la directrice du traitement documentaire et métadonnées);
- deux étudiants provenant de la FAÉCUM;
- deux experts membres de la communauté.
Comme l’illustrent les quelques exemples donnés précédemment, les initiatives pour favoriser le libre accès à l’UdeM avaient commencé bien avant 2015. Cependant, en toile de fond de la création du groupe de travail mixte mentionné, on trouve la hausse faramineuse du coût des périodiques savants, et le modèle d’affaires des éditeurs commerciaux qui emprisonne les bibliothèques dans un « tout ou rien » en les obligeant à s’abonner à de grands ensembles. Ces facteurs étaient présents depuis un certain nombre d’années, mais ils ont frappé plus durement l’UdeM à partir de 2014. Des actions et une mobilisation de la communauté universitaire ont donc débuté sur ce front qui a tout à voir avec les objectifs du libre accès, soit la meilleure accessibilité possible aux résultats de la recherche. Pour en savoir plus sur la démarche et les actions des Bibliothèques UdeM dans ce dossier, on peut consulter le site Nouvelle ère pour les collections.
Selon vous, quelle était la meilleure raison pour laquelle l’université devrait investir pour consacrer du temps et de l’énergie à cette discussion?
Toutes les raisons mises de l’avant par le mouvement pour le libre accès sont bonnes pour mettre en place des mesures et stratégies de publication en libre accès! De celles plus altruistes d’une meilleure accessibilité par tous aux résultats de la recherche, à celles plus “égoïstes” d’un rayonnement accru de nos chercheurs, en passant par une meilleure utilisation des fonds publics qui nous sont confiés pour mener à bien la mission universitaire.
Veuillez partager le récit de ce qui, selon vous, étaient les étapes les plus importantes de votre parcours vers une politique d’accès ouvert.
Nous n’avons pas encore atteint la destination, mais sommes sur la bonne route. Les francs échanges et le travail accompli au Groupe de travail mixte sur le libre accès ont permis de dégager une ébauche de politique qui devrait être soumise aux instances universitaires au cours de la prochaine année: toute une étape! En parallèle du cheminement du dossier de politique, l’Université de Montréal a été la première université canadienne à répondre à l’Appel de Jussieu pour la science ouverte et la bibliodiversité, et son plan stratégique intègre des objectifs liés au libre accès; le fruit mûrit!
Quelle a été la plus grande leçon apprise? Quels ont été les défis et points d’accrochage les plus importants que vous avez dû relever et comment avez-vous réussi à les surmonter?
Il y a une expression qui dit qu’on ne peut pas tirer sur une fleur pour qu’elle pousse. Le dossier du libre accès en est un qui exige temps et patience, mais plus de 15 ans après la Déclaration de Budapest, on sent que beaucoup de chemin a été accompli en ce qui a trait à la compréhension des enjeux et à l’adhésion aux finalités du libre accès.
Parmi les défis, mentionnons la sensibilité des chercheurs – à juste titre – à tout ce qui pourrait ressembler à un ajout de tâches administratives qui viendrait gruger du précieux temps de recherche… Il faut donc s’assurer de prévoir mettre en place des modalités de dépôt en libre accès qui soient simples et efficaces, et de bien rassurer la communauté à ce sujet lorsqu’on présente la possibilité d’introduire une politique de libre accès.