22 janvier 2021. – L’Association des bibliothèques de recherche du Canada (ABRC) et le réseau Portage (Portage) souhaitent partager leurs préoccupations quant au document Data Repository Selection : Criteria That Matter, récemment mis de l’avant par l’initiative FAIR Sharing. L’approche proposée dans ce document, développée principalement par un groupe d’éditeurs, aura un effet négatif sur le développement de l’infrastructure nationale du Canada, sur l’équité en matière de recherche et sur les droits des communautés marginalisées et mal desservies pour participer pleinement au processus scientifique.
Comme de nombreux autres pays, le Canada élabore des infrastructures et des services nationaux pour la gestion des données de recherche, notamment des dépôts de données nationaux, institutionnels et spécialisés qui soutiendront la gestion intégrale des données de recherche au pays, comme en fait foi le lancement de Dataverse Canada1 et la création du Dépôt fédéré de données de recherche2.
Nous avons plusieurs réserves par rapport aux critères de sélection du dépôt de données :
Gouvernance et souveraineté nationale des données de recherche canadiennes
Nous croyons qu’il est dans notre intérêt national d’assumer la responsabilité locale de l’intendance des données de recherche importantes produites par le milieu de la recherche au Canada et de déterminer les critères et les pratiques convenables pour les dépôts qui recueillent les données de recherche produites au Canada. Une approche de la sélection des dépôts de données dirigée par les éditeurs pourrait aboutir à une situation contraire à nos valeurs et nos normes nationales. Nous soutenons les principes énoncés dans la recommandation de l’UNESCO sur une science ouverte qui caractérisent la science ouverte comme un bien public mondial en déclarant que « les services de science ouverte devraient être considérés comme des infrastructures de recherche essentielles, régies et détenues par la collectivité et financées collectivement par les gouvernements, les bailleurs de fonds et les institutions reflétant les divers intérêts et besoins du secteur de la recherche et de la société. »
Contrôle du marché des dépôts par les éditeurs
La mise en œuvre de ces « critères de sélection des données » par le biais d’un outil de filtrage pour la sélection des dépôts permettrait effectivement à leurs créateurs, principalement les éditeurs, de contrôler dans une large mesure le marché des dépôts en imposant des conditions aux dépôts existants et en contrôlant l’entrée de nouveaux dépôts sur le marché. La mise en œuvre des critères proposés risquerait sérieusement de devenir prescriptive et de céder le contrôle des infrastructures de recherche à un groupe d’entités commerciales à but lucratif. Par ailleurs, le document ne traite pas de la gouvernance des critères dans le temps laissant des doutes quant à savoir qui décidera quels dépôts sont conformes ou comment les différents critères seront déterminés.
Manque de consultation et de transparence
Bien que l’un des objectifs déclarés des critères proposés soit de soutenir les chercheurs, nous constatons que les chercheurs et les organismes de recherche semblent absents de leur élaboration. Idéalement, les ressources destinées à un milieu désigné ne devraient pas être développées sans la contribution de ce milieu. Les chercheurs, les organismes de recherche et le milieu des dépôts doivent être consultés lors de l’élaboration de toutes les caractéristiques recommandées pour les dépôts. Même si des commentaires ont été sollicités en réponse à une version antérieure du document, nous pensons qu’il faut accroître la transparence par rapport à la rétroaction reçue.
Diversité et équité
Dans la Vision scientifique du Canada, l’un des résultats attendus est de « promouvoir l’équité et la diversité dans la recherche ». Les critères de sélection proposés limiteront les options de dépôt pour les chercheurs, ce qui portera atteinte à l’équité et à la diversité en concentrant les données et la prise de décision entre les mains d’un petit nombre d’éditeurs et de dépôts conformes. En limitant le choix des chercheurs, les critères proposés auraient un effet négatif sur l’équité et la diversité des espaces de recherche. Les chercheurs pourraient être contraints de déposer leurs données dans un dépôt particulier approuvé par l’éditeur comme condition préalable à la publication dans une certaine revue, plutôt que de déposer leurs données dans un dépôt mieux adapté à la discipline et géré par le milieu, ou dans un dépôt de données national ou institutionnel.
Propriété autochtone du savoir local
Les principes de propriété, de contrôle, d’accès et de possession des données de recherche (PCAP®3), rédigés par le Centre de gouvernance de l’information des Premières Nations au Canada, soulignent l’importance d’équilibrer les perspectives mondiales sur la science ouverte et l’accès équitable avec les droits et les besoins des communautés autochtones. Les critères proposés constituent un risque pour les droits des peuples autochtones en ce qui concerne la propriété de leurs données. Les politiques de recherche contemporaines et les meilleures pratiques mettent l’accent sur les partenariats de recherche qui respectent les communautés et favorisent leur autodétermination, leur souveraineté, leur autonomie et leurs droits de propriété des données. Les principes de PCAP® des Premières Nations et l’article 31 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones sont l’expression de ces principes.
Conclusion
Les infrastructures de données de recherche canadiennes sont déjà engagées dans plusieurs initiatives visant à rendre les dépôts numériques conformes aux principes FAIR4, fiables5 et conformes à CARE6. L’une de ces initiatives est le processus de certification CoreTrustSeal pour les dépôts de données — soit un ensemble de critères mondialement reconnus et largement adoptés, élaborés, approuvés et gérés par de nombreux acteurs de la gestion des données de recherche (GDR). Dorénavant, le milieu de la gestion des données devrait viser la mise en œuvre de bonnes pratiques selon un éventail d’intervenants, notamment les communautés de domaine, les bailleurs de fonds de la recherche et les gouvernements, les communautés autochtones, les dépôts et les bibliothèques. Nous pensons que les données de recherche produites au Canada sont un bien public national et que l’éventail des dépôts à la disposition des chercheurs canadiens ainsi que les caractéristiques associées à ces dépôts devraient être déterminés par les principales parties prenantes de la GDR au Canada.
[1] En partenariat avec l’Université de Toronto et Scholars Portal du Conseil des bibliothèques universitaires de l’Ontario
[2] DFDR créé en partenariat avec la Fédération Calcul Canada, l’ABRC, Portage et plusieurs organisations partenaires canadiennes.
[3] PCAP® – https://fnigc.ca/ocap-training/
[4] https://www.go-fair.org/fair-principles/
[5] https://www.rd-alliance.org/trust-principles-trustworthy-data-repositories-%E2%80%93-update
[6] https://www.gida-global.org/care
La version PDF de cette déclaration est accessible au compte Zenodo de Portage.
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À PROPOS DE L’ABRC : L’ABRC assure un leadership au nom des 31 bibliothèques de recherche du Canada et améliore leur contribution à la recherche et à l’enseignement supérieur. Elle favorise l’efficacité et la pérennité de la création, la diffusion et la préservation de connaissances, ainsi que la mise en œuvre de politiques publiques qui garantissent un accès plus vaste aux résultats de la recherche.
À PROPOS DE Portage : Le réseau Portage a été lancé en 2015 par l’ABRC avec l’objectif de contribuer à l’intendance partagée des données de recherche et de combler certaines lacunes observées dans l’infrastructure de gestion des données de recherche au Canada. Lancé comme un réseau de bibliothèques, Portage collabore maintenant avec un large éventail d’intervenants et de partenaires locaux, nationaux et internationaux à l’accroissement de la capacité et au développement de services et d’une infrastructure. Plus de 160 experts de 60 établissements au Canada participent activement aux comités et aux projets d’infrastructure de Portage dont la coordination est assurée par un secrétariat national.
Responsables des médias :
Susan Haigh
Directrice générale, ABRC